Face à l’urgence climatique, la réglementation des infrastructures de stockage d’énergie évolue rapidement. Découvrez les enjeux et les impacts de ce cadre juridique en pleine mutation.
Le contexte réglementaire en pleine évolution
La transition énergétique impose une refonte profonde de notre système électrique. Le développement massif des énergies renouvelables intermittentes nécessite de nouvelles solutions de stockage pour garantir la stabilité du réseau. Face à ces défis, les législateurs s’efforcent d’adapter le cadre réglementaire.
Au niveau européen, le Clean Energy Package de 2019 a posé les premières bases d’une réglementation spécifique au stockage d’énergie. Il reconnaît notamment le stockage comme une activité à part entière du système électrique, distincte de la production et de la consommation. Cette avancée ouvre la voie à un traitement réglementaire adapté aux spécificités du stockage.
En France, la loi Energie-Climat de 2019 et la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) fixent des objectifs ambitieux de développement du stockage. La réglementation évolue progressivement pour lever les freins au déploiement de ces technologies essentielles à la transition énergétique.
Les enjeux de sécurité au cœur de la réglementation
La sécurité constitue un aspect primordial de la réglementation des infrastructures de stockage d’énergie. Les technologies de stockage, en particulier les batteries lithium-ion, présentent des risques spécifiques qu’il convient d’encadrer strictement.
La réglementation ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) s’applique aux installations de stockage d’énergie dépassant certains seuils de puissance ou de capacité. Elle impose des prescriptions techniques rigoureuses en matière de prévention des incendies, d’explosion et de pollution.
Pour les batteries stationnaires de grande capacité, la rubrique ICPE 2925 prévoit notamment :
– Des distances d’éloignement par rapport aux habitations et aux établissements recevant du public
– Des systèmes de détection et d’extinction automatique d’incendie
– Des dispositifs de confinement des eaux d’extinction
– Des procédures d’exploitation et de maintenance strictes
Ces exigences visent à garantir la sécurité des populations et de l’environnement à proximité des installations de stockage. Elles constituent un cadre contraignant mais nécessaire pour accompagner le déploiement massif de ces infrastructures.
L’intégration du stockage dans les marchés de l’électricité
L’un des enjeux majeurs de la réglementation consiste à définir les modalités de participation du stockage aux différents marchés de l’électricité. L’objectif est de valoriser pleinement les services rendus par ces installations flexibles, essentielles à l’équilibre du réseau.
Le mécanisme de capacité français intègre désormais explicitement le stockage d’électricité. Les opérateurs peuvent ainsi valoriser la disponibilité de leurs installations lors des périodes de tension sur le système électrique. Cette reconnaissance réglementaire constitue une avancée importante pour la rentabilité des projets de stockage.
Sur le marché de l’équilibrage, le gestionnaire du réseau de transport RTE a adapté ses règles pour faciliter la participation du stockage. Les temps de réponse exigés ont notamment été assouplis pour tenir compte des spécificités des batteries. Ces évolutions réglementaires ouvrent de nouvelles opportunités de revenus pour les opérateurs de stockage.
La réglementation doit encore évoluer pour permettre l’agrégation de multiples installations de stockage distribuées. Ce concept de « centrale virtuelle » offre un potentiel important pour optimiser l’utilisation des ressources de flexibilité sur le réseau.
Le cadre fiscal et tarifaire en question
Le traitement fiscal et tarifaire des installations de stockage d’énergie fait l’objet de débats. La réglementation actuelle n’est pas toujours adaptée à ces infrastructures hybrides, à la fois consommatrices et productrices d’électricité.
Concernant la fiscalité, les opérateurs de stockage réclament notamment :
– Une exonération de CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité) sur l’électricité soutirée pour le stockage puis réinjectée sur le réseau
– Un taux réduit de TICFE (Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Electricité) pour les installations de stockage
– Une clarification du régime de TVA applicable aux opérations de stockage
Sur le plan tarifaire, la question du TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité) appliqué au stockage fait débat. Les opérateurs plaident pour un tarif spécifique tenant compte des services rendus au réseau par leurs installations.
Ces enjeux fiscaux et tarifaires sont cruciaux pour la viabilité économique des projets de stockage. La réglementation devra évoluer pour lever ces freins au développement de la filière.
Les défis de l’autoconsommation et du stockage décentralisé
Le développement de l’autoconsommation individuelle et collective soulève de nouveaux enjeux réglementaires liés au stockage décentralisé. La réglementation doit s’adapter pour encadrer ces nouveaux usages tout en favorisant leur essor.
La loi PACTE de 2019 a introduit un cadre juridique pour l’autoconsommation collective étendue. Elle permet désormais le partage d’électricité renouvelable entre consommateurs et producteurs situés dans un rayon de 2 km. Cette avancée ouvre la voie à des projets locaux intégrant production solaire et stockage partagé.
Pour le stockage résidentiel associé à des panneaux solaires, des questions réglementaires subsistent :
– Quelle puissance maximale autoriser pour les systèmes de stockage domestiques ?
– Quelles normes de sécurité imposer pour l’installation et l’exploitation ?
– Comment encadrer la revente des surplus d’électricité stockée ?
La réglementation devra apporter des réponses claires à ces interrogations pour sécuriser le développement du stockage décentralisé. Un équilibre est à trouver entre simplicité administrative et maîtrise des risques.
Vers une harmonisation européenne ?
Face à l’essor du stockage d’énergie, une harmonisation de la réglementation au niveau européen apparaît souhaitable. Elle permettrait de créer un cadre cohérent et favorable au développement de la filière à l’échelle du continent.
Le règlement européen 2019/943 sur le marché intérieur de l’électricité pose les bases d’une approche commune. Il définit notamment le stockage d’énergie et affirme le principe de non-discrimination entre les technologies. Ces orientations devront être déclinées dans les réglementations nationales.
Plusieurs chantiers d’harmonisation sont à l’étude :
– Définition de standards techniques communs pour les équipements de stockage
– Harmonisation des procédures d’autorisation pour les grands projets transfrontaliers
– Coordination des mécanismes de soutien au stockage entre pays
Cette convergence réglementaire facilitera l’émergence d’une véritable filière industrielle européenne du stockage d’énergie. Elle renforcera la compétitivité des acteurs face à la concurrence internationale.
La réglementation des infrastructures de stockage d’énergie connaît une évolution rapide pour accompagner la transition énergétique. Si des avancées notables ont été réalisées, de nombreux défis subsistent pour créer un cadre pleinement adapté aux spécificités de ces technologies. L’enjeu est de taille : permettre un déploiement massif du stockage tout en garantissant la sécurité et l’optimisation du système électrique.